Un déficit d’attention généralisé
Les causes de la baisse d'attention
Dans notre société moderne, maintenir notre attention est devenu un défi de plus en plus difficile à relever. Entre les multiples écrans qui nous sollicitent en permanence, et sous la pression de l’urgence et de l’immédiateté, il est rare de pouvoir se concentrer pleinement sur une tâche. Les déficits d’attention n’ont jamais été aussi nombreux. Le TDAH (trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité) est même l’un des troubles neurodéveloppementaux les plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent (3 à 6 % des enfants scolarisés). Nous sommes constamment sollicités pour répondre rapidement aux demandes, ce qui nuit à notre capacité à nous immerger dans une activité et à maintenir notre attention sur le long terme.
Sur ce thème, une préface de Mathieu Ricard me revient lorsqu’il raconte l’une de ses expériences dans la capitale : “Lors d’un passage à Paris il y a quelques années, j’ai pris un taxi qui, pendant une centaine de mètres, conduisait avec son coude. Dans le même temps, il tenait son portable d’une main et tentait de l’autre de saisir sur son GPS l’adresse que je lui avais indiquée. La radio donnait les nouvelles du matin tandis que sur un petit haut-parleur, le standard de sa compagnie appelait en continu les chauffeurs pour savoir qui était intéressé par telle ou telle course. Distrait partout, il ne faisait vraiment attention à rien. Heureusement, nous avons survécu.”
Les conséquences de ce déficit d'attention au quotidien
La baisse d’attention a des conséquences néfastes sur notre bien-être. Notre capacité à nous concentrer est toujours plus courte et faible. Les notifications constantes, les mails sans fins et les informations venues de partout peuvent entraîner un sentiment de frustration, de stress et de fatigue mentale, qui affectent notre qualité de vie. La dépression, voire le burn-out, menacent une part d’entre nous. En effet, ne se concentrer qu’à moitié nous empêche d’apprécier pleinement ce que l’on accompli en entraîne un sentiment d’insatisfaction qui peut être pesant lorsqu’il est présent chaque jour.
En science, jongler avec plusieurs tâches simultanément à un nom : le multitasking. Cette capacité a-t-elle quelques bénéfices ? Malheureusement, aucun. Plus les individus s’adonnent au multitasking, plus leurs performances cognitives globales diminuent. Ils parviennent moins facilement à passer d’une tâche à l’autre et mélangent toutes les informations en tentant de les assimiler en même temps.
Dans son article « un esprit distrait est un esprit malheureux », Daniel Gilbert, chercheur à l’Université de Harvard, a doté un ensemble de participants d’un appareil portable émettant des signaux sonores à intervalles réguliers tout au long de la journée. À chaque signal, les participants devaient répondre à deux questions :
1) Êtes-vous concentré sur ce que vous faites actuellement ?
2) Sur une échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de bien-être actuel ?
Les résultats sont sans équivoque : pour une grande partie des participants, lorsque leur esprit est « ailleurs », leur bien-être est moins important.
Cependant, des solutions existent pour nous aider à nous recentrer, que ce soit à l’échelle collective ou individuelle.
Déficit d’attention, distractibilité : les solutions pour se concentrer
Même si cela peut paraître contre-intuitif, notre attention adore les contraintes et les règles strictes.
Mettre en place des rituels ou des routines claires est donc très utile pour parvenir à enfin la dompter. On peut par exemple conseiller aux étudiants de se fixer une tranche horaire fixe pour réviser chaque jour. Le plus important sera de se tenir à cet engagement, quelle que soit la productivité des séances. C’est par la répétition que l’attention finira par se stabiliser et que les séances gagneront en efficacité.
Limiter le multitâche :
Concentrez-vous sur une chose à la fois.
Même si certains d’entre vous parviennent à se concentrer tout en ayant leur téléphone à côté d’eux, ne vous faites tout de même pas trop confiance sur la question. Quand on à rien de mieux à faire, il est facile de se concentrer sur certaines tâches peu passionnantes. Mais se concentrer sur une tâche que l’on juge moyennement intéressante alors qu’une activité facile et gratifiante se trouve juste là, à portée de main, relève souvent du défi. Facilitez-vous la tâche !
Quand la présence du téléphone ou de l’ordinateur est essentielle, on peut par exemple décider de griser son écran à certaines périodes, ou d’installer un système de déverrouillage différé. Google propose différentes applications pour prendre conscience de sa consommation :
- Unlock Clock : comptabilise le nombre de fois où l’on déverrouille son smartphone par jour. Il est possible de se fixer une limite à ne pas dépasser. Psychologiquement, il est coûteux pour l’estime de soi de franchir une limite que l’on s’est fixée auparavant en toute liberté.
- Post Box : interrompt le flux des notifications afin de ne pas être interrompu en permanence, afin de recevoir nos notifications en une seule fois, au moment que l’on juge le plus propice.
- Desert Island : permet de choisir un nombre restreint d’applis à utiliser pendant 24 heures.
- Morph : permet d’organiser ses applications en fonction de l’usage que l’on veut en faire (travail ou loisir), l’application s’adapte en ne présentant que ce qui est utile.
Sur Apple, dans la même optique, une fonctionnalité “temps d’écran” est accessible. Elle permet de définir des temps d’arrêt, de limiter l’usage quotidien de certaines applications. Quand le temps fixé en amont est écoulé, l’application se grise sur l’écran d’accueil et un sablier apparaît. Cette fonctionnalité permet de réfléchir avant de sombrer trop longtemps dans un scroll mécanique et insatisfaisant.
Travaillez son attention :
Plusieurs pistes pour travailler son attention :
- Lorsqu’on sent que son attention s’échappe, on la ramène gentiment à l’objet sur lequel on est, sans se juger, en se focalisant sur le moment.
- Utilisez la méthode du cahier du matin. Pendant 15 à 20 minutes, sur le support de votre choix, déversez toutes les pensées et préoccupations qui vous traversent l’esprit. Ecrivez tout ce qui vous vient, vos pensées envahissantes, vos peurs, sans vous censurer et sans vous relire. Cet exercice proposé par Julia Cameron dans son livre “Libérez votre créativité”, permet simplement de se vider la tête avant de s’atteler à une tâche. Il est particulièrement adapté pour les personnes anxieuses ou légèrement perfectionnistes. Adaptez-le à vous ! Si vous n’aimez faire toujours la même chose chaque jour, raccourcissez le temps d’écriture ou ne le faites qu’avant de faire une tâche pour laquelle vous ne vous sentez pas concentrés.
- D’autres méthodes pour travailler la concentration existent, un peu plus élaborées… La méditation ou la cohérence cardiaque en font partie. Ces deux pratiques sont efficaces pour calmer l’esprit, réduire le stress et améliorer la concentration.
- La méditation implique la concentration et la pleine conscience, souvent réalisée en se concentrant sur la respiration, les sensations corporelles ou un objet.
- La cohérence cardiaque est une technique de respiration qui vise à synchroniser la respiration avec les battements cardiaques pour favoriser un état de calme et de relaxation. Elle implique généralement une respiration lente et régulière pour harmoniser le système nerveux autonome, ce qui peut avoir des bienfaits sur le bien-être mental et physique.
Planifier et structurer les tâches :
La planification des tâches permet de définir des objectifs clairs et réalisables, ce qui facilite la concentration et la motivation. En structurant nos activités, nous évitons également de nous sentir dépassés et débordés.
- Déterminez à l’avance quel niveau de concentration la tâche que vous allez effectuer demande. Vous pouvez établir un code couleur (rouge pour les activités à haute concentration, orange et vert pour les autres). Plus la tâche est exigeante en attention, plus court elle doit être. Etendre son linge demande par exemple moins d’attention que rédiger des mails professionnels ou faire des calculs mentaux.
- Divisez la tâche en plusieurs sous-tâches simples et faciles à réaliser, chacune avec une intention claire. Par exemple, pour faire la cuisine, vous pouvez d’abord choisir les ingrédients et les rassembler en un même endroit, puis faire chauffer l’eau et éplucher les légumes, etc.
- Répétez, encore en toujours. Selon la tâche que vous faites, la répétition sera parfois essentielle. Son but ? Inhiber plus facilement les distracteurs et vous améliorer dans ce que vous faites. Apprendre une langue, pratiquer un instrument de musique, s’améliorer dans une activité sportive, tout cela exige une certaine régularité dans l’effort.
- Alternez les tâches à haute concentration et les tâches moins exigeantes. Vos ressources en attention sont limitées au cours de la journée, il est facile de se fatiguer.
- Enfin, faite des pauses. Quand vous arrêtez, arrêtez vraiment. Pas de demi-travail, et pas de demi-loisir. Les écrans, même s’ils sont tentants, ne permettent pas de se pauser réellement et fatiguent l’esprit. Privilégiez autant que faire se peut les activités qui vous font réellement du bien : sortir se balader, discuter avec des amis, faire du sport ou faire une sieste.
Conclusion
Il est indéniable que dans un monde où les distractions sont omniprésentes, la capacité à maintenir notre attention et notre concentration est devenue un défi majeur. La baisse d’attention généralisée impacte notre bien-être mental et notre capacité à être présent, pouvant même mener à des problèmes de santé mentale comme l’anxiété ou la dépression. Quoi de plus frustrant, au quotidien, que de faire tout vite et à moitié ?
Cependant, des solutions existent pour nous aider à nous recentrer et à retrouver notre capacité à nous concentrer. En adoptant des environnements favorables à la concentration, en limitant le multitâche, en planifiant et structurant nos tâches. D’autres piliers de la concentration existent aussi, qui ne seront pas détaillés ici, comme avoir un sommeil de qualité, une activité physique régulière et une alimentation équilibrée. En veillant à prendre soin de notre corps, nous favorisons également notre bien-être mental et notre capacité à nous recentrer sur nos tâches quotidiennes.
Avec un peu de pratique, nous pouvons progressivement renforcer notre capacité à nous concentrer et à maintenir notre attention sur le long terme.
Toutefois, il n’est pas toujours facile d’y arriver seul. Certains symptômes prennent parfois le dessus et nous nous retrouvons enfermés dans un cercle infernal dont il est difficile de sortir. N’hésitez pas à consulter un professionnel qualifié si vous sentez que vous êtes dans ce type de situation.
Source principale : A la reconquête de l’attention, d’Anne de Pomereu (2021)